Les projets de transport en commun sont une priorité pour les gouvernements du monde entier, et nombre d’entre eux envisagent un modèle de partenariat public-privé (PPP) pour aider à les mener à bien. Quelles leçons avons-nous apprises à ce jour pour améliorer à la fois le processus et les résultats?
Richard Fechner, leader mondial, Investissements en infrastructures et économie, Services-conseils GHD, a participé à un groupe d’experts à la 25e conférence annuelle du Conseil canadien pour les partenariats public-privé (CCPPP) les 6 et 7 novembre 2017 à Toronto et a partagé les principaux enseignements qu’il a retenus des plus grands projets de PPP en Australie.
Q : Pourquoi le modèle des PPP représente-t-il une approche intéressante pour les gouvernements qui cherchent à mettre en œuvre de grands projets de transport en commun?
R : Comme avec d'autres types d'infrastructures, il existe plusieurs raisons pour lesquelles ce modèle est attrayant. Premièrement, cela permet au gouvernement de mieux répartir les risques entre ceux qui sont le plus en mesure de les assumer, en échange d'un partage des responsabilités et des récompenses.
Deuxièmement, cela peut aider à accélérer la livraison d'infrastructures essentielles, et en particulier pour les projets de transport en commun, cela représente un énorme avantage. La congestion ou le manque d'accessibilité peuvent entraîner une perte massive d'efficacité, de ressources et de productivité, de sorte qu'une amélioration de la connectivité peut vraiment bénéficier aux communautés, à court et à long terme.
Troisièmement, il garde des actifs hautement émotionnels comme le transport en commun sous propriété publique, tout en s'appuyant sur l'expertise de spécialistes de la conception, de la construction et de l'exploitation qui peuvent contribuer à l'optimisation à long terme du système.
Q : L'expérience australienne est-elle transférable à d'autres pays?
R : L'Australie est vraiment l'un des premiers pays à véritablement adopter ce modèle de réalisation de projets d'infrastructure. Pour un pays comme le Canada où cette conférence a eu lieu, il y a beaucoup de parallèles qui rendent l'expérience australienne tout à fait pertinente. Les deux pays ont des cadres juridiques similaires. Les gouvernements fédéral et des États ou des provinces sont limités quant à ce qui est acceptable dans leurs bilans. Ce sont deux pays fortement urbanisés, où plus de 80 % de la population vit dans les villes, ce qui stimule continuellement la demande d'infrastructures nouvelles et améliorées pour soutenir la croissance démographique. L'Australie et le Canada ont d'énormes masses terrestres avec des communautés régionales ou éloignées qui ont également besoin de services essentiels.
Donc, vous pouvez constater que les conditions générales et les facteurs déterminants s'alignent plutôt bien. Bien sûr, tous les pays auront des facteurs uniques qui influeront sur la façon dont les PPP sont structurés et utilisés, mais, en général, nous avons tiré des leçons, particulièrement en ce qui concerne la gestion des risques et des défis, qui peuvent être appliquées à grande échelle.
Il existe également d'excellents exemples, comme le train léger sur rail de Sydney, où la disponibilité de nouveaux services a considérablement modifié les modes de transport en peu de temps. Les changements sociaux et dans les déplacements peuvent être accélérés.
Q : Selon vous, quels obstacles empêchent les entreprises privées comme GHD de participer à plus de projets en PPP? Comment pensez-vous que cette approche évoluera pour résoudre certains des problèmes actuels avec les arrangements en PPP?
R : Il existe de nombreux obstacles, mais trois obstacles courants nuisent particulièrement à la participation d’entreprises comme GHD à des PPP. Le risque est de loin le plus important, à la fois technique et commercial. Selon les exigences qui reviennent à un concepteur, celles-ci peuvent être trop difficiles pour les entreprises d'une certaine taille. Un autre obstacle est la capacité. Habituellement, un projet de PPP est d'une certaine ampleur et demande beaucoup de temps pour soumissionner et exécuter, ce qui explique pourquoi les firmes de conception s'associent pour partager les risques et puiser dans un plus grand bassin technique pour répondre aux exigences d'un projet donné. Un troisième obstacle est l'expérience démontrable. Bien que techniquement, la plupart des entreprises puissent exécuter un projet, les exigences d'un PPP sont rigoureuses et les entreprises doivent avoir à la fois les personnes et les projets qui répondent aux attentes d'un client. Cet objectif peut être trop élevé et difficile à atteindre pour les petites entreprises spécialisées.
Les partenariats stratégiques aident à surmonter tous ces obstacles : partager le risque, mettre en commun vos talents et démontrer une expérience commune sur des projets pertinents qui améliorent vos chances de figurer sur la liste restreinte.
Q : Pouvez-vous nous dire quelles sont certaines de ces leçons apprises, ainsi que des recommandations pour les appliquer?
R : Comme pour les autres grands projets, les projets PPP sont toujours vulnérables à une mauvaise planification, à des défauts techniques ou de conception, à l'instabilité politique, à l'opinion publique enflammée et à des pratiques de financement compliquées ou non viables, mais en gardant cela à l'esprit, il existe des façons particulières de mieux gérer ces risques dans un projet de PPP.
Lors de l'élaboration d'un PPP, l'accent devrait être mis sur la réalisation du résultat souhaité; par exemple, dans les projets de transport en commun, une réduction de la congestion ou une meilleure connectivité régionale. Ensuite, alors que la structure du projet doit être adaptée aux circonstances particulières, il n'est pas nécessaire d'avoir des structures lourdes ou encombrantes; dans la mesure du possible, simplifiez les choses.
En matière de partage des risques, il est utile d'avoir recours à un cadre adaptable à l'évolution des risques au fur et à mesure que la construction progresse, et cela permet d’assurer la gestion des risques de manière cohérente tout en protégeant contre les chocs externes du côté de la demande et de l’approvisionnement.
La répartition des risques exige un bon équilibre et le gouvernement doit toujours veiller à ce que le contribuable ne soit pas aux prises avec des demandes onéreuses de la part du secteur privé. Cependant, cela va dans les deux sens, d'autant plus que les PPP exigent la bonne volonté des entités privées. Les clauses qui cherchent à abroger complètement les risques ne sont pas propices à cette bonne volonté et coûtent finalement plus cher. La répartition des risques doit être équitable et assumée par ceux qui peuvent l’assumer le mieux.
En outre, l'élimination complète des risques élimine également la motivation du gouvernement à faire en sorte que le projet soit exécuté efficacement, étant donné qu'ils n'ont plus d’intérêts en jeu. Les PPP ne sont pas des outils qui devraient permettre au secteur privé d'être traité comme une source « d’argent sans risque ». Les entités publiques ne devraient pas se contenter de laisser aux fournisseurs privés une marge de manœuvre excessive dans l'exécution de contrats spécifiques. Tous les participants au contrat devraient être motivés à mener à bien les contrats au mieux de leurs capacités et à assumer leurs responsabilités lorsque les choses tournent mal.
En ce qui concerne la planification technique, l'engagement précoce et continu avec les responsables de l'exploitation et de la performance du réseau est primordial. L'entrepreneur d'exploitation et de maintenance peut avoir une influence importante sur les résultats de conception globaux. Un leadership et une direction solides, notamment de la part du directeur de projet, peuvent contribuer grandement à tracer la voie et à éviter les retards ou la confusion. Les interfaces multiples des parties prenantes externes doivent être bien coordonnées et les exigences spécifiques du projet doivent être convenues rapidement. Il est essentiel qu'un ensemble complet d'exigences spécifiques du projet soit établi et approuvé par toutes les parties prenantes avant même que la conception et la construction ne soient même envisagées.
La valeur réelle à long terme d'un projet doit être rigoureusement testée, en particulier lors de l'attribution des soumissions. Une approche globale à long terme devrait être utilisée pour la prise de décision, plutôt que d'être convaincu par l'attrait des flux de revenus exagérés, les paiements forfaitaires élevés et les gains à court terme. Cela exige du courage et de la prévoyance, ainsi que la reconnaissance du fait que les projets d'infrastructure ne sont pas des instruments financiers. Ils sont un moyen de faciliter l'activité économique et nécessitent une évaluation technique à toute épreuve et un leadership politique clairvoyant pour éviter la confusion et les retards. C'est ici que se concentrer sur les résultats sociaux peut à nouveau être utile, afin de rappeler que les projets d'infrastructure sont plus qu'une simple transaction financière.
Enfin, au fur et à mesure que les villes s'agrandissent ou se densifient, les projets de transport en commun doivent être renforcés ou étendus, de sorte que la mise en place de projets initiaux avec un plan d'extension ou d’ajout de services peut offrir un énorme potentiel de coûts initiaux modérés.
Q : Pour terminer, voulez-vous partager d’autres principes directeurs ou valeurs?
R : La nature complexe des projets de PPP exige que les organismes privés et publics consacrent des ressources de haut niveau à l'exécution de projets commerciaux et techniques. Un leadership fort et l'application du bon sens devraient être adoptés pour éviter les incitations à la construction contre-productives. Le maintien de la transparence est essentiel, non seulement pour l'éthique, mais parce que le fait de garder les travaux hors de la « boîte noire » permet de corriger les erreurs avant que les projets n'atteignent le point de non-retour. Le développement d'infrastructures est essentiel pour toute société qui fonctionne, et les projets de transport en commun sont sans doute l'un des types de projets les plus visibles en cette ère de déplacements à l'échelle mondiale et de demande de mobilité sans entrave. Enfin, construire en pensant au futur