Stimuler la demande dans le marché canadien de l’hydrogène afin de répondre à l’offre émergente

Auteurs et autrices : Tej Gidda, Ben Saffron
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En bref

Le développement de l’hydrogène propre comme source d’énergie à faibles émissions de carbone est sur la bonne voie au Canada et aidera à décarboniser les secteurs de l’énergie et du transport, en plus de créer de nouvelles possibilités d’investissements et de nouvelles industries. À travers le monde, la plupart des programmes pour inciter à l’utilisation de l’hydrogène misent sur la réduction de son coût d’approvisionnement. Mais qu’en est-il de la cristallisation de la demande, très importante dans l’équation de l’hydrogène?
Le développement de l’hydrogène propre comme source d’énergie à faibles émissions de carbone est sur la bonne voie au Canada et aidera à décarboniser les secteurs de l’énergie et du transport, en plus de créer de nouvelles possibilités d’investissements et de nouvelles industries.

Des incitatifs sont déjà en place pour encourager la production d’hydrogène. Plusieurs paliers de gouvernement ont déjà donné accès à des fonds, du financement et des avantages fiscaux afin de soutenir les coûts d’investissement importants. Mais lorsqu’il y a de l’offre, il doit aussi y avoir de la demande. Actuellement, les incertitudes et les risques majeurs pour les projets sont liés à la création d’un marché où la demande dicte l’offre, assurant le succès financier des projets d’hydrogène alors qu’ils deviennent opérationnels et commercialisés.

En ce qui concerne la création de la demande au niveau national, le défi complexe de fournir de l’hydrogène à un coût compétitif à celui du marché mondial soulève des inquiétudes. La possibilité d’importer de l’hydrogène à un coût inférieur à celui des fournisseurs nationaux est bien réelle. Les États-Unis ont bénéficié d’investissements considérables grâce à la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act), qui a permis d’allouer des milliards de dollars à des projets liés à l’hydrogène. Conséquemment, les entreprises qui fournissent et investissent dans l’hydrogène américain peuvent maintenant fournir de l’hydrogène exporté à un coût inférieur puisque leur coût de production, en raison des avantages fiscaux et du financement offert, est plus bas.

Du côté de la demande, les consommateurs se retrouvent dans une position moins avantageuse. Ils doivent parfois prendre la décision difficile entre l’utilisation de l’hydrogène et d’autres options de décarbonisation. Les incitatifs gouvernementaux du Canada sont limités pour les consommateurs qui souhaiteraient passer aux piles à l’hydrogène, ou à d’autres substituts de gaz naturel à base d’hydrogène à coût plus élevé, dans l’industrie de la fabrication de ciment ou autres. Tout en s’intéressant au potentiel de l’hydrogène, ils doivent prendre en considération les coûts associés à la modernisation et au cycle de vie, et l’échéancier de tels investissements. Il y a aussi les aspects commerciaux des contrats d’approvisionnement en hydrogène à prendre en considération, dont plusieurs sont toujours en cours d’élaboration en Europe et ailleurs. Les aspects importants à considérer sont les volumes, les délais, la vitesse de livraison, la fiabilité et le prix, tous des facteurs déterminants dans la prise de décisions lors de l’achat d’hydrogène.

Que pouvons-nous faire pour aider les consommateurs à s’adapter à ce marché émergent, et quelles sont les stratégies à mettre en œuvre par les entreprises et les gouvernements afin de stimuler la demande pour ce vecteur d’énergie propre? Voici trois facteurs importants pour stimuler la demande dans le marché canadien de l’hydrogène :

Rassembler les fournisseurs et les acheteurs pour former des pôles d’hydrogène

Les pôles d’hydrogène déjà en développement aux États-Unis et au Canada, particulièrement en Alberta, rassemblent les producteurs et les consommateurs (l’offre et la demande) afin de former les bases de l’économie de l’hydrogène. Ces pôles sont censés réduire le risque de créer un effet de « l’œuf ou la poule ». Ils peuvent être à grande échelle, situés dans des quartiers industriels et des centres-villes, ou de petite taille afin de soutenir des petites communautés. Le fait de rassembler les utilisateurs d’hydrogène dans le but commun de décarboniser la région solidifie leur engagement à utiliser l’hydrogène et assure un approvisionnement continu.

Les parties au sein d’un pôle d’hydrogène devront former elles-mêmes des liens commerciaux entre elles. L’établissement de partenariats entre entreprises aux intérêts similaires est aussi une stratégie à considérer. Lorsqu’il est question de sécurité commerciale, les coentreprises formées de fournisseurs et d’acheteurs ou de consommateurs, ou bien qui ont des forces à différents endroits dans la chaîne d’approvisionnement, sont une façon prouvée de sécuriser l’offre et la demande. Les utilisateurs d’hydrogène partagent les avantages de l’autosuffisance en matière d’approvisionnement et peuvent générer des sources de revenus inexploitées en agissant à titre de fournisseurs pour des tiers pendant que l’économie se développe.

Développer des structures commerciales qui stimulent la demande et réduisent les risques

Une des principales raisons de la lenteur de certains projets d’hydrogène est l’incertitude quant au choix de l’hydrogène comme solution de décarbonisation et l’échéancier des investissements dans ce secteur.

Les fournisseurs d’hydrogène doivent mettre sur pied une stratégie commerciale en début de projet, souvent au même moment que la phase d’études conceptuelles. L’un des éléments d’une bonne stratégie est de permettre la diversification des futurs acheteurs afin de garantir la santé financière du projet et de réduire le risque d’un monopole. Le fait d’ancrer des clients d’industries clés, tout en continuant d’alimenter le portefeuille d’approvisionnement afin d’y inclure différents secteurs de l’industrie, renforcera la demande continue au sein de marchés variés. Cela comprend des industries comme celles du ciment, de l’acier et de l’ammoniac, et de l’hydrogène dans le marché du transport, ainsi qu’une possibilité de s’immiscer dans l’industrie du gaz naturel.

L’aspect économique et la viabilité des projets sont mis au point durant la phase d’études conceptuelles et doivent tenir compte de la capacité à adapter la taille des projets à la demande croissante, et ce par de multiples parties issues de divers secteurs. 

Une autre façon d’augmenter la demande serait d’offrir des incitatifs aux consommateurs tels que des prix fixes et des contrats à long terme, comme c’est le cas dans le marché du gaz naturel renouvelable (GNR). Ces incitatifs ont aidé à propulser vers l’avant le secteur du GNR dans les Amériques. Par exemple, ceci pourrait s’appliquer à une partie de l’approvisionnement anticipé qui couvrirait les coûts d’exploitation et permettrait aux entreprises du côté de la demande de plaider pour une analyse de rentabilité pour l’adoption de l’énergie à l’hydrogène.

Offrir des incitatifs aux utilisateurs finaux par le biais de politiques institutionnelles et favoriser l’économie du côté de la demande

L’industrie travaille présentement directement avec les gouvernements dans l’élaboration de ces politiques. Si on incitait davantage les utilisateurs finaux à acheter de l’hydrogène (p. ex. rabais d’utilisation, subventions pour la modernisation), la demande augmenterait du côté des utilisateurs finaux tout en favorisant les infrastructures qui, en retour, créeraient une demande supplémentaire du côté des fournisseurs.

Le fait d’offrir des rabais précis et ciblés ou des crédits d’impôt aux utilisateurs finaux lors de l’achat de véhicules à pile à hydrogène pourrait entraîner des répercussions importantes sur l’industrie, qui devra alors assurer un approvisionnement en carburant suffisant pour véhicules. En effet, ce levier de demande économique pourrait cibler, par exemple, les véhicules lourds ou les remorques de transfert conçues pour les longues distances. Au Canada, les infrastructures capables de favoriser l’adoption de l’énergie à hydrogène dans le marché des poids lourds sont limitées. Les incitatifs pour équiper les flottes de véhicules de piles à hydrogène doivent être accompagnés d’une réponse équivalente autour de la demande et des occasions de décarbonisation.

Au tout début de l’émergence du marché du GNR, nous avons constaté du soutien au niveau des politiques, comme des contrats à prix fixe avec le secteur des services publics gaziers, particulièrement au Canada, afin de mettre en place le côté de la demande. Ces mesures ont permis aux projets de GNR de démarrer très rapidement. La « Norme pour les carburants à faible teneur en carbone de la Californie (California Low Carbon Fuel Standard) » en est un excellent exemple, faisant de cet État l’épicentre de l’expansion de l’industrie du GNR. La mise en œuvre de politiques semblables pour l’hydrogène par le gouvernement inciterait à la consommation et à la production d’hydrogène en tant que carburant, ce qui placerait l’hydrogène au premier plan des solutions de décarbonisation dans les secteurs où la réduction des émissions est difficile à entreprendre.   

Les trois thèmes explorés plus haut, qui visent à stimuler la demande en traitant les enjeux clés, résument bien toutes les possibilités que peut apporter l’hydrogène à ces secteurs de l’industrie. Bien qu’il existe différentes façons d’aborder le besoin de générer une demande pour l’hydrogène, il est important de structurer les modèles d’affaires des producteurs d’hydrogène pour leur assurer les meilleures chances de réussir. Chaque projet et chaque occasion est unique. Travailler de pair avec une société d’experts-conseils spécialisée en affaires, en planification de projets et en conception technique apporte une valeur ajoutée considérable aux projets dès le début. GHD peut fournir de précieux conseils quant à la stratégie de projet et la structure commerciale, en s’appuyant sur sa connaissance des aspects hautement techniques de la conception, de la construction et de l’exploitation de projets d’hydrogène tout au long de la chaîne de valeur.

L’hydrogène au Canada

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