L’ingénierie et la géologie au cœur des projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone
En bref
Il est vital d’empêcher la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère afin de protéger notre planète contre les changements climatiques. L’une des principales technologies pour ce faire est celle du CUSC (captage, utilisation et stockage du carbone), qui consiste à recueillir le dioxyde de carbone généré par l’industrie et à l’injecter dans des formations rocheuses poreuses très profondément sous terre, où il restera, à peu de choses près, éternellement.
Construire pour l’avenir
Le CUSC est essentiel pour compenser de nombreuses utilisations actuelles de combustibles fossiles. C’est également un élément clé de « l’hydrogène bleu », qui comprend la génération de combustible à base d’hydrogène à partir de gaz naturel par reformage du méthane, suivi de la séquestration du dioxyde de carbone produit afin qu’il ne soit pas libéré dans l’atmosphère.
Une grande partie des efforts de mise en place du CUSC ont été consacrés à l’acheminement du dioxyde de carbone et à la construction des infrastructures de surface. Mais l’élément souvent négligé de la planification concerne le choix des formations souterraines adaptées à l’injection et au piégeage permanent du dioxyde de carbone.
Pourquoi est-ce important? Parce que certaines installations de CUSC autour du monde n’ont pas réussi à séquestrer les quantités de CO2 prévues au départ. Par exemple, le seul projet de CUSC à l’échelle commerciale de l’Australie a été annulé dans une usine de GNL, car la quantité de dioxyde de carbone piégé était considérablement inférieure aux objectifs. De même, un projet de CUSC lancé il y a 35 ans visant à recueillir le CO2 pour la récupération assistée du pétrole (RAP) au Wyoming, États-Unis, n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs d’utilisation. Par conséquent, le CO2 qui n’avait pu être vendu pour être utilisé dans la RAP a été rejeté dans l’atmosphère.
Grâce aux leçons apprises dans ces installations et ailleurs, il est devenu évident qu’un facteur important du succès du CUSC est « l’espace poreux », c’est-à-dire les espaces entre les grains de roche dans la formation souterraine. Il est donc essentiel de choisir une formation rocheuse ayant la capacité de recevoir et de retenir le CO2 qui y est pompé.
L’espace poreux est l’un des éléments pris en compte par GHD dans sa participation au projet Alberta Carbon GridMC (ACG) en Alberta, dans l’Ouest canadien. Il s’agit d’un système de transport et de séquestration de carbone d’envergure internationale conçu pour servir de multiples clients, industries et secteurs. Une fois terminé, l’ACG vise à transporter et à séquestrer plus de 20 millions de tonnes de CO2 par année, soit près de 10 % des émissions industrielles de l’Alberta. L’ACG jouera un rôle important dans le soutien d’une économie à plus faibles émissions de carbone en Alberta. Le projet ACG a récemment été invité à passer à l’étape suivante du processus de captage, d’utilisation et de stockage de carbone (CUSC) de la province.
Le rôle de GHD dans le projet ACG consiste à éliminer les incertitudes et les risques liés aux caractéristiques du sous-sol par l’entremise d’un programme d’évaluation. Nous avons mis au point un modèle géologique statique préliminaire et une simulation dynamique de réservoir pour l’ensemble de la zone d’intérêt, utilisés pour guider l’élaboration du programme d’évaluation.
L’évaluation de la formation qui servira à la séquestration sera effectuée par étapes, au fur et à mesure que sera construit le système de l’ACG. Un programme d’acquisition de nouvelles données sismiques en deux, trois et quatre dimensions, de carottage et d’analyse en laboratoire est en cours de développement.
Cette évaluation, réalisée sur plusieurs années, permettra de créer une simulation dynamique de réservoir détaillée, qui aidera à réduire les risques et les incertitudes.
Le secteur émergent de la séquestration
Bien que des projets comme l’ACG constituent des innovations technologiques, le CUSC est une vieille idée avec de nouveaux objectifs. Pendant des décennies, l’industrie du pétrole et du gaz a injecté du dioxyde de carbone dans le sous-sol afin de forcer plus de ressources d’hydrocarbures à remonter dans les puits pour favoriser leur extraction. Le CUSC tire profit de cette technologie bien développée et l’adapte pour lutter contre les changements climatiques.
L’industrie pétrolière et gazière en sait long sur la recherche et la délimitation des formations rocheuses souterraines appropriées, ainsi que sur le forage de puits pour atteindre ces cibles, qui peuvent se situer à plusieurs kilomètres sous terre. Ces connaissances aideront à repérer les formations rocheuses qui respectent les exigences du CUSC, notamment en ce qui concerne l’espace poreux.
Les acteurs de l’industrie pétrolière et gazière ont d’intéressantes possibilités d’appliquer leurs compétences acquises dans la recherche et la production de pétrole et de gaz à des projets de CUSC, une industrie technologiquement et économiquement viable, promise à un bel avenir.
Pour réussir, les projets de CUSC doivent réunir les trois conditions suivantes :
- La capacité de construire des infrastructures, de creuser ou de remettre en état des puits, et de séquestrer le CO2 conformément aux projections et aux budgets établis.
- La capacité d’injecter le CO2 sous terre pendant la durée de vie du projet de CUSC s’étalant sur des décennies, conformément au volume total et aux débits indiqués dans les projections.
- La capacité d’assurer que, dans l’avenir, le CO2 demeurera en place essentiellement pour toujours et ne migrera pas vers la surface pour réintégrer l’atmosphère.
Si ces conditions ne peuvent être remplies de façon crédible, avec chiffres et modèles à l’appui, il pourrait s’avérer difficile d’obtenir un soutien réglementaire, politique, financier et public. En outre, les histoires de projets de CUSC plus ou moins réussis ont montré qu’il reste encore plusieurs problèmes techniques à résoudre.
Que faudrait-il pour que les projets de CUSC se réalisent?
Compte tenu des défis que représente l’application d’une technologie existante à de nouvelles fins, plusieurs facteurs de réussite ont émergé :
- Une connaissance du fonctionnement des pipelines, particulièrement le transport du CO2 à des pressions « supercritiques » où il n’existe pas de phases liquides et gazeuses distinctes;
- Une conception optimisée des installations de surface, comprenant l’utilisation d’électricité « verte », importante pour gérer l’empreinte carbone du projet;
- Un facteur très important, souvent oublié par les acteurs actuels dans cette sphère est la compréhension des caractéristiques des réservoirs, notamment la porosité et le volume de la formation, incluant l’espace poreux;
- Les réservoirs doivent être suffisamment profonds pour que le CO2 injecté demeure dans un état supercritique, mais pas trop profond pour que l’espace poreux soit réduit en raison du tassement et devienne inadéquat pour contenir le volume de CO2 requis;
- Zone de développement suffisante (c.-à-d. espace poreux) pour atténuer les risques et les incertitudes. responsables gouvernementaux.
Cela nécessite le soutien d’une équipe pluridisciplinaire possédant une expertise en ingénierie pour concevoir les installations de surface, effectuer la simulation des réservoirs, déterminer les risques, les incertitudes et les mesures d’atténuation, choisir les meilleures options et présenter ses idées aux organismes de réglementation, aux sources de financement et aux responsables gouvernementaux.