Restaurer un cours d’eau des Premières Nations

Auteur et autrice : Christine Skirth
Rivière nationale avec coucher de soleil

En bref

Pendant des siècles, la communauté Mi’kmaq de la Première Nation de Pictou Landing a utilisé un estuaire à marée en Nouvelle-Écosse comme lieu de refuge, de loisirs, de pêche, de chasse et de rassemblement. Les membres de la communauté appelaient ce lieu A'se'k, ce qui signifie « là-bas » ou « l’autre pièce ». Ils dépendaient de cet estuaire pour leur bien-être. Les non-Autochtones, quant à eux, appellent cet habitat d’eau salée de 156 hectares « Boat Harbour ».

Pendant des siècles, la communauté Mi’kmaq de la Première Nation de Pictou Landing a utilisé un estuaire à marée en Nouvelle-Écosse comme lieu de refuge, de loisirs, de pêche, de chasse et de rassemblement. Les membres de la communauté appelaient ce lieu A'se'k, ce qui signifie « là-bas » ou « l’autre pièce ». Ils dépendaient de cet estuaire pour leur bien-être. Les non-Autochtones, quant à eux, appellent cet habitat d’eau salée de 156 hectares « Boat Harbour ».

Quand l’eau est devenue trouble

Au milieu des années 1960, le gouvernement provincial a construit l’installation de traitement des effluents de Boat Harbour pour créer de l’emploi. Cette installation traitait les matières résiduelles d’une usine de papier et d’autres industries.

Le gouvernement a promis à la communauté qu’elle conserverait l’accès à ses ressources naturelles. Mais le bassin de traitement des eaux usées de l’installation a bloqué le lien entre l’estuaire et l’océan. Une grande partie de l’utilisation des terres par la communauté est devenue impossible, et l’estuaire s’est rempli d’eaux usées brunes, mousseuses et à l’odeur putride. Les résidents ont signalé des problèmes respiratoires et cutanés, ainsi que des taux de cancer élevés.

Réparer les erreurs du passé

Se sentant trahis, les représentants des Premières Nations se sont unis aux pêcheurs et aux défenseurs de l’environnement pour protester. Certains qualifient Pictou Landing de pire cas de racisme environnemental au Canada.

Le bris d’un pipeline en 2014 a entraîné le déversement de 47 millions de litres d’eaux usées toxiques dans un cimetière autochtone situé sur la rive de l’East River. Cela a incité le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour redonner à A'se'k son statut d’estuaire à marée. En 2020, l’installation de traitement a cessé d’accepter des matières résiduelles.

Or, un problème demeurait : un million de mètres cubes de boues et de sédiments contaminés se trouvaient dans l’eau.

Une grande partie de ces matières contiennent des dioxines et des furannes, qui sont toxiques et cancérigènes en concentrations élevées. Des tests ont également révélé la présence de cadmium, de mercure, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, d’hydrocarbures pétroliers et de zinc.

En collaboration avec la Province de la Nouvelle-Écosse et la Première Nation de Pictou Landing, nous avons planifié et conçu la remise en état du port en estuaire à marée et le rétablissement du lien de la communauté avec les terres et les eaux.

Premières étapes : enlèvement et élimination des sédiments

Notre plus grand défi était de trouver comment enlever les sédiments en toute sécurité et de façon économique, sans générer beaucoup de matières résiduelles ni répandre de contaminants. Voici comment nous avons procédé :

  • Rétablir la confiance avec la communauté autochtone : Des générations ont été privées de centaines d’hectares de terres et de l’estuaire, ce qui a eu des conséquences sur leur santé et leur bien-être. Nous avons collaboré avec les résidents autochtones tout au long du projet afin qu’ils comprennent les défis à relever. Leur expérience directe et leur participation pendant l’enquête, la remise en état et les études à l’échelle pilote ont été essentielles.
  • Faire appel à un large éventail d’expertises techniques: Nous avons mobilisé plus de 20 experts et expertes possédant des connaissances approfondies des options de réhabilitation. Cette vaste expertise s’est avérée essentielle pour nos recommandations finales.
  • Choisir la meilleure méthode d’enlèvement des sédiments : Nous avons testé plusieurs options de réhabilitation, dont l’excavation et l’assèchement (drainer l’eau et retirer les sédiments) et le dragage (retirer directement les sédiments de l’eau). Il a été conclu que l’option la plus efficace sur le plan technique et la plus rentable était le dragage à l’aide de GeotubesMD. Les GeotubesMD piègent et assèchent les sédiments à mesure qu’ils sont retirés de l’eau, laissant des solides plus faciles à éliminer.
  • Sélectionner une méthode d’élimination sécuritaire et rentable : La restauration des terres en vue de les ramener à leur état préindustriel et le transport des matières résiduelles hors site pourraient coûter jusqu’à 1 M$ CA. L’élimination sur place est limitée par des contraintes d’espace. Par conséquent, nous avons déterminé que l’élimination dans un lieu d’enfouissement à proximité était la méthode la moins coûteuse et la moins risquée.

Leçons apprises

Les leçons que nous avons apprises lors de ce projet peuvent être appliquées à des sites semblables:

  • Aborder les problèmes selon une vue d’ensemble : Il ne s’agit pas seulement de déplacer des sédiments. Nous ne pouvions pas utiliser les méthodes d’enlèvement conventionnelles pour accéder aux sédiments meubles situés sous les contaminants. Nos spécialistes des milieux humides, du dragage, de la géotechnique, de la biologie, de l’ingénierie et de la construction ont déterminé la méthode d’enlèvement la plus sécuritaire, qui perturberait le moins possible les poissons et la végétation.
  • Trouver des rôles significatifs pour la population locale : Compte tenu de l’importance spirituelle d’A'se'k, il était important d’intégrer les intérêts des Premières Nations à notre travail. Les experts et expertes ont discuté des moyens de résoudre le problème des sédiments lors de rencontres communautaires. Les membres des Premières Nations ont transmis leurs connaissances traditionnelles des lieux et ont été embauchés pour travailler sur le projet. Ils ont ainsi eu l’assurance que les travaux seraient effectués de façon sécuritaire et efficace. De plus, les compétences transmises aideront les entreprises appartenant aux Premières Nations à soumissionner pour de futurs projets de remise en état.
  • Constituer une équipe multidisciplinaire : Le processus a été guidé par les connaissances approfondies de notre équipe en matière de technologies de traitement. Cette expérience a rassuré les parties prenantes, particulièrement les membres des Premières Nations, sur le fait qu’A'se'k pouvait redevenir un endroit dynamique.
  • Aborder les options selon une approche d’exécution de projet objective et méthodique. Notre plan de projet nous a permis d’évaluer les options de manière impartiale et traçable. Nous avons été ouverts, transparents et honnêtes avec les parties prenantes, en comparant chaque option aux critères de réussite.
  • Se préparer aux imprévus grâce à une stratégie cohérente. Des températures glaciales sans précédent pendant les essais pilotes ont causé un retard de quatre mois. Malgré des exigences réglementaires complexes, nous avons terminé le projet dans le respect des échéanciers et du budget.
  • Intégrer le bien-être de la communauté dans la réussite du projet. Nous avons réalisé une étude sur le bien-être, ce qui était une première dans la région. Cette étude nous a aidés à comprendre comment la communauté percevrait la solution de réhabilitation et comment celle-ci pourrait contribuer à son bien-être.

Prochaines étapes

Après avoir conçu la meilleure option de réhabilitation, nous avons préparé un énoncé des incidences environnementales. Ce document est en cours d’examen par le gouvernement fédéral. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse estime qu’il faudra entre cinq et sept ans pour terminer l’assainissement.

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