Comprendre les microplastiques : un guide simple pour une problématique complexe

Auteurs : Zhiyong Xia, Ph. D., Noah D’Ascanio, M. Sc. A., et Ian Collins, P.Eng.
Understanding Microplastics 2.0

En bref

Les microplastiques (MP) persistent dans l’environnement en raison de la nature durable du plastique. En se dégradant en particules plus petites, ils deviennent plus difficiles à détecter et plus faciles à ingérer, ce qui présente des risques pour la santé. Les MP peuvent lixivier des additifs toxiques et transporter d’autres polluants comme des substances per et polyfluoroalkylées (PFAS) et des métaux lourds. Comprendre leur composition chimique et leur comportement environnemental est essentiel pour gérer leur impact et leurs interactions avec les copolluants.
Les microplastiques persistent dans la nature, se dégradant en particules qui sont facilement ingérées et difficiles à retracer. Ils peuvent lixivier des additifs toxiques et transporter d’autres polluants comme des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) et des métaux lourds. Comprendre leur comportement est essentiel pour bien gérer les impacts sur l’environnement et sur la santé.
Les MP sont devenus un problème environnemental urgent, attirant de plus en plus l’attention en raison de leur présence répandue et de leur comportement complexe dans l’environnement. Ces minuscules particules de plastique, dont certaines sont souvent invisibles à l’œil nu, ont été détectées dans les océans, les sols, l’eau potable et même les aliments que nous consommons, ce qui soulève des questions urgentes quant à leur impact à long terme sur l’écologie et la santé humaine. Dans notre précédent article « Les microplastiques dans l’eau : comprendre les risques [en anglais] », nous avons abordé les principes de base des MP. Le présent article s’appuie sur ce dernier et propose un examen plus approfondi des MP sous l’angle de la science des matériaux, en mettant l’accent sur les interactions complexes entre la composition, la morphologie et la chimie de surface des polymères, ainsi que l’altération, le devenir et le transport dans l’environnement. Ce faisant, il explore aussi les défis importants que posent les MP aux systèmes actuels de traitement de l’eau et des eaux usées, ainsi que les limites des méthodes d’essai existantes. Comprendre les MP en tant que structure et en tant que système est essentiel pour en assurer la gestion ainsi que pour gérer les contaminants connexes.

Pourquoi les microplastiques sont-ils si préoccupants?

Les MP sont de minuscules fragments de plastique mesurant moins de 5 millimètres, environ la taille d’une graine de sésame, tandis que ceux de moins d’un micromètre sont classés dans la catégorie des nanoplastiques (NP). Les MP sont omniprésents dans l’environnement, qu’il s’agisse des océans, des sources d’eau douce, de l’air que nous respirons ou des aliments que nous consommons. Certains MP sont fabriqués de façon intentionnelle, comme les microbilles utilisées dans les nettoyants pour le visage. Toutefois, la plupart des MP proviennent de la décomposition graduelle d’objets en plastique de plus grande taille comme les sacs, les bouteilles et les pneus. Les facteurs environnementaux comme les intempéries, l’exposition au soleil et l’abrasion physique fragmentent lentement ces plastiques en particules de MP plus petites.

Les MP sont une source de préoccupation croissante car ils peuvent pénétrer dans le corps humain par ingestion et inhalation. Les plus petites particules, particulièrement les NP, peuvent traverser les membranes cellulaires de l’intestin et s’accumuler dans les organes vitaux. Des études récentes ont même détecté des MP dans le tissu cérébral humain, ce qui soulève des inquiétudes quant à leurs liens possibles avec l’inflammation et les effets néfastes sur la santé. [Nihart, A. J., et al. Bioaccumulation of microplastics in decedent human brains, Nature Medicine, 2025, 31(4), 1114–1119. https://doi.org/10.1038/s41591-024-03453-1]

Les plastiques ne sont pas tous créés égaux

Microplastiques
Figure 1 : Comparaison de la morphologie des polymères amorphes et semi-cristallins

Le comportement des plastiques dans l’environnement peut varier considérablement, principalement en raison des différences dans la composition chimique et la structure physique. Les deux principales caractéristiques qui influencent la façon dont les plastiques se dégradent en MP et interagissent avec les polluants sont présentées ci-dessous :

  • Thermoplastiques vs thermodurcissables
    Les thermoplastiques, comme le polyéthylène (PE), le polypropylène (PP) et le polyéthylène téréphtalate (PET), peuvent être fondus et remodelés après usage. On les trouve couramment dans les produits de consommation comme les bouteilles d’eau et les emballages. En revanche, les thermodurcissables, comme le caoutchouc vulcanisé et les résines époxy, subissent un durcissement chimique irréversible qui les rend rigides et infusibles. Une fois durcis, les thermodurcissables ne peuvent pas être refondus ou retraités.
  • Morphologie des plastiques
    L’organisation moléculaire interne des plastiques diffère également. Les plastiques semi-cristallins contiennent à la fois des structures moléculaires ordonnées (cristallines) et désordonnées (amorphes) (figure 1). Leurs structures cristallines très serrées empêchent la pénétration de l’eau, de l’oxygène et des microbes, ce qui ralentit la dégradation. Le PE, le PP et le PET sont des exemples de plastiques semi-cristallins. En revanche, les plastiques amorphes, comme le polystyrène (PS) et le polycarbonate (PC), ont des chaînes moléculaires plus lâches, ce qui les rend plus poreux et généralement plus susceptibles à la dégradation environnementale.

Ces caractéristiques structurelles influencent considérablement la formation des MP et leurs interactions avec les polluants. Les thermoplastiques ont tendance à se fragmenter plus facilement en MP dans l’environnement, particulièrement lorsqu’ils sont exposés à la lumière du soleil, à la chaleur et aux forces mécaniques, en raison de leur plus faible rigidité structurelle. Les thermodurcissables qui sont maintenus par une liaison covalente se dégradent plus lentement et se brisent souvent en fragments cassants et irréguliers qui persistent dans l’environnement.

Ces différences influencent la manière dont les MP interagissent avec les contaminants de l’environnement. Les MP amorphes, en raison de leur structure poreuse et de leur plus grande surface, ont souvent une plus grande affinité pour les polluants. Les thermoplastiques exposés aux intempéries peuvent développer des surfaces oxydées, ce qui augmente encore plus leur activité de surface, attirant des substances comme les métaux lourds, les PFAS et les composés organiques hydrophobes. Globalement, la morphologie et la structure moléculaire des plastiques jouent un rôle essentiel dans le devenir, le transport et l’impact environnemental des MP, formés par la dégradation des plastiques.

Les intempéries accélèrent la dégradation des plastiques

Les forces naturelles de l’environnement jouent un rôle majeur dans la transformation des objets de tous les jours faits de plastique en MP. La lumière du soleil, les fluctuations de température et les forces mécaniques comme l’abrasion et l’action des vagues contribuent à la fragmentation progressive du plastique, un processus appelé « altérations dues aux intempéries ». Non seulement l’altération réduit les plastiques en particules plus petites, mais elle augmente aussi leur réactivité chimique et leur toxicité.

Au fur et à mesure que les plastiques se dégradent, les additifs et les produits chimiques résiduels utilisés lors du processus de fabrication, comme les pigments, les plastifiants, les stabilisateurs et les catalyseurs, peuvent s’infiltrer plus facilement. Par exemple, le PET contient souvent de l’antimoine comme catalyseur. Cette substance peut s’infiltrer dans l’environnement à la suite d’une exposition prolongée à la chaleur et aux rayons ultraviolets (UV). Une étude a révélé une fuite mesurable d’antimoine provenant de bouteilles en PET exposées à la lumière du soleil et à des températures élevées [Westerhoff, P., et al. Antimony leaching from polyethylene terephthalate plastic used for bottled drinking water, Water Research, 2008, 42(3), 551–556. https://doi.org/10.1016/j.watres.2007.07.048].

Également, plus les fragments de plastique sont petits, plus le rapport entre la surface et le volume est élevé, augmentant ainsi leur capacité à absorber d’autres polluants présents dans l’environnement et à interagir avec les systèmes biologiques. L’agrandissement de la surface augmente également la probabilité de désorption des polluants, faisant des microplastiques altérés à la fois des vecteurs de contaminants et des sources de substances toxiques dans les environnements aquatiques et terrestres.

Les microplastiques peuvent être des vecteurs de pollution

Les MP peuvent adsorber et transporter des polluants environnementaux, notamment des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), qui sont largement répandues et qui persistent dans l’environnement. La force et la nature des interactions entre les PFAS et les MP dépendent de plusieurs facteurs clés :

  • La structure chimique du polymère MP et du composé PFAS spécifique (par exemple, longueur de la chaîne, groupes fonctionnels)
  • Les caractéristiques de surface des MP, comme la texture, la porosité et la présence de groupes fonctionnels ou de produits d’altération par oxydation
  • Les conditions environnementales, notamment le pH, la température, la force ionique et la présence de matières organiques dissoutes

On observe généralement que les PFAS à chaîne plus longue (par exemple : acide perfluorooctanoïque [PFOA], perfluorooctane sulfonate [PFOS]) présentent une adsorption plus forte sur certains types de MP, particulièrement les polymères hydrophobes, que les PFAS à chaîne plus courte. Cependant, les matières organiques naturelles et les biofilms microbiens peuvent former des revêtements sur les MP, modifiant la chimie de leur surface et améliorant ou inhibant l’adsorption des PFAS [Salawu, O. A., et al. Adsorption of PFAS onto secondary microplastics: A mechanistic study, Journal of Hazardous Materials, 2024, 470, 134185. https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2024.134185; Hatinoglu, M. D., et al. Modified linear solvation energy relationships for adsorption of perfluorocarboxylic acids by polystyrene microplastics, Science of The Total Environment, 2023, 860, 160524. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.160524].

Une fois adsorbés, les MP couverts de PFAS peuvent devenir des vecteurs mobiles, facilitant le transport des PFAS sur de longues distances dans l’air, l’eau et le sol, les introduisant potentiellement à des écosystèmes jusqu’alors non contaminés.

Mesurer les microplastiques est un défi

Microplastics Sampling methods

Repérer et mesurer les MP dans l’environnement constitue un défi en raison de leur petite taille, de leurs formes diverses et du large éventail de types de polymères. La plupart des méthodes d’analyse actuelles sont seulement capables de détecter de manière fiable les particules d’une taille supérieure à 10-20 micromètres, négligeant potentiellement des NP plus petits et possiblement plus nocifs.

Les méthodes d’échantillonnage couramment utilisées incluent :

  • Les échantillons aléatoires : collecte simple à l’aide de bouteilles, suivie d’une filtration en laboratoire. Bien que simple, cette méthode est très sensible à la contamination et peut ne pas représenter la variabilité spatiale ou temporelle.
  • Filtration par tamis : cette méthode consiste à empiler des treillis métalliques pour séparer les MP selon leur taille. Il est donc possible de traiter des volumes d’eau plus importants, mais cette méthode est inefficace pour capturer les particules fines dont la taille est plus petite que celle des mailles.
  • Filtration intégrée : systèmes fermés installés directement dans le flux d’écoulement, permettant une filtration en temps réel en réduisant le risque de contamination et en améliorant la capture des MP de petite taille.

Les techniques d’analytique comprennent :

  • Pyrolyse-chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse : décompose le plastique de façon thermique pour identifier les types de polymères et quantifier la masse. Bien que cette méthode soit très précise pour la composition, elle ne fournit pas d’informations sur la taille ou la forme.
  • Méthodes spectroscopiques (par exemple, spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier [FTIR], spectroscopie Raman et imagerie par laser direct infrarouge [LDIR]) : utiliser des techniques à base d’infrarouge ou de laser pour identifier les polymères et déterminer la taille et la morphologie des particules. Ces méthodes permettent d’obtenir des données en haute résolution, mais elles prennent du temps, sont coûteuses et nécessitent du personnel qualifié.

Chaque méthode a ses forces et ses limites, et aucune d’entre elles ne permet de créer un portrait complet de la situation. Par conséquent, une combinaison de méthodes d’échantillonnage et d’analytique est souvent utilisée pour améliorer la précision, la résolution et la représentativité du contrôle des microplastiques.

Qu’est-ce que cela signifie pour le traitement des eaux usées et la dépollution de l’environnement?

Les MP posent des défis importants en matière de traitement de l’eau et de réhabilitation environnementale. En raison de leur petite taille, de leurs diverses morphologies et de leurs propriétés de surface, les MP sont difficiles à éliminer et peuvent transporter d’autres polluants comme les PFAS, les métaux lourds et les composés organiques hydrophobes.

Dans les usines de traitement des eaux usées, on estime que 80 à 95 % des MP de grande taille sont éliminés au cours des procédés de traitement [Adegoke, K. et al. Microplastics toxicity, detection, and removal from water/wastewater, Marine Pollution Bulletin, 2023, 187, 114546]. Cependant, les plus petites particules de MP contournent souvent la filtration conventionnelle et restent dans les eaux résiduaires. La fraction capturée s’accumule souvent dans les biosolides qui, lorsqu’épandus sur le sol, peuvent réintroduire les MP dans les environnements terrestres et aquatiques. Les plastiques flottants peuvent échapper aux systèmes d’élimination, et les plastiques vieillis ou altérés par les intempéries présentent une réactivité de surface accrue, ce qui renforce leur capacité à se lier aux contaminants connexes.

Dans le cadre de la réhabilitation environnementale, les MP compliquent les efforts en transportant les polluants dans le sol, les eaux souterraines et les sédiments. Ils peuvent interférer avec les sorbants et d’autres technologies de traitement en agissant à la fois comme vecteurs de contaminants et comme obstacles physiques. Leur persistance et leur mobilité soulignent la nécessité de prendre en compte les MP dans la conception et l’évaluation des stratégies de nettoyage.

Résumé

Le plastique a été conçu pour durer, ce qui explique en partie la persistance des MP dans l’environnement. Au fur et à mesure que les plastiques se dégradent en MP, puis en NP, ils deviennent plus difficiles à détecter, mais plus faciles à ingérer par l’humain et d’autres organismes, ce qui soulève d’importantes inquiétudes en matière de santé. En plus de transporter d’autres polluants, les MP peuvent également lixivier des additifs toxiques, comme les plastifiants, les retardateurs de flamme, les matières de remplissage et les stabilisateurs incorporés lors de la fabrication des plastiques. Pour comprendre les MP, il faut examiner leur composition chimique, leur morphologie, leur synthèse, leur formulation et leur comportement dans l’environnement. Ce dernier point est particulièrement important, car en plus de lixivier les composés dangereux, les MP sont également des vecteurs pour d’autres contaminants environnementaux comme les PFAS et les métaux lourds toxiques. Une gestion efficace des MP persistants et de leurs copolluants nécessite une compréhension globale des interactions complexes entre ces substances dans les systèmes environnementaux.

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