C’est du déjà vu : des leçons australiennes sur les PFAS appliquées à l’industrie canadienne
En bref
Alors que la planète scrute de plus en plus les PFAS, le Canada met de l’avant une stratégie nationale de réglementation pour gérer ces produits chimiques persistants. De son côté, l’Australie a déjà modifié sa réglementation à ce sujet. Il nous est donc possible de tirer des leçons de son expérience ainsi que des conseils pratiques alors que les entreprises canadiennes font face à l’évolution des politiques fédérales et provinciales, partagent les inquiétudes de l’industrie et jonglent avec la conformité, l’atténuation des risques et les responsabilités environnementales.
Une perspective canadienne : évolution de la réglementation sur les PFAS et défis émergents
Une stratégie nationale en évolution
La nouvelle approche en matière de gestion des risques respecte l’annonce du gouvernement de 2021 concernant son intention d’étudier la réglementation des PFAS sous forme de catégorie distincte, même si la proposition de 2025 exclut, de manière notable, les fluoropolymères. Des organisations de l’industrie ont soulevé des inquiétudes au sujet de l’approche à catégorie unique pour les PFAS, car elle simplifierait à outrance la diversité des profils chimiques et toxicologiques de ces substances. Par conséquent, une consultation d’envergure avec l’industrie sera essentielle au fil de la mise en œuvre de la stratégie.
Réglementation des PFAS à titre de catégorie : inquiétudes de l’industrie et exceptions
Une des propositions principales de 2025 vise à ajouter les PFAS (à l’exception des fluoropolymères) dans la liste de l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et de les désigner comme étant « toxiques », ce qui permettrait la prise de mesures réglementaires. Il est à noter que le Règlement sur certaines substances toxiques interdites de 2022, qui n’est pas encore en vigueur, allongerait la liste des PFAS réglementées et supprimerait de nombreuses exemptions actuelles, notamment en ce qui concerne les mousses à formation de pellicule aqueuse (AFFF) qui contiennent de l’acide perfluorooctanoïque et des acides perfluorocarboxyliques à longue chaîne. Les changements qu’apporte ce règlement, combinés à ceux apportés par la proposition de 2025 qui interdirait également l’utilisation de toute PFAS non réglementée actuellement dans les mousses extinctrices, mettraient graduellement fin à l’utilisation de mousses AFFF au Canada.
Étude sur les produits chimiques à inclure dans la réglementation
Afin d’appuyer cet effort, le gouvernement fédéral a aussi pris des mesures récemment pour recueillir plus d’informations au sujet des PFAS. Pour ce faire, un avis au sujet de certaines PFAS a été envoyé afin de sonder des fabricants, importateurs et utilisateurs de 312 PFAS différentes. Le gouvernement fédéral a également mené une consultation afin d’ajouter 131 PFAS à la déclaration annuelle dans le cadre de l’Inventaire national des rejets de polluants, selon laquelle les déclarations pour 2025 doivent être remises d’ici juin 2026.
En parallèle de ces activités, des agences fédérales ainsi que le Conseil canadien des ministres de l’environnement ont publié des valeurs préliminaires relatives à l’environnement pour diverses PFAS depuis 2018. Ces valeurs visent à protéger la santé humaine et écologique et devraient évoluer au fil des découvertes scientifiques sur ces substances.
Réaction des régions
Les réactions des provinces et des territoires varient au sujet des PFAS. La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse ont déjà adopté des valeurs préliminaires relatives à l’environnement pour certaines PFAS, alors que l’Ontario a publié un guide informatif à l’intention des évaluateurs et évaluatrices de risques pour l’environnement sur la manière d’aborder ces substances dans une soumission réglementaire. Toutes les administrations interdisent les rejets qui pourraient nuire à la santé ou à l’environnement, même si la formulation exacte et les concepts mentionnés varient d’une province à l’autre. Nous conseillons aux entreprises d’éviter le rejet de PFAS, à moins que celui-ci ne soit expressément permis ou démontré comme étant sécuritaire, sans effets néfastes pour la santé ou l’environnement, selon les définitions des lois locales en matière de protection de l’environnement.
La réglementation des PFAS au Canada évolue rapidement. Même si elle pose des défis pour l’industrie, cette situation reflète aussi le rythme des découvertes scientifiques. La vitesse de l’évolution de la réglementation dans ce domaine représente l’état de la science relative aux PFAS et nous apprécions l’ouverture des organismes de réglementation face à la consultation, car ils prennent des mesures pour réglementer ces contaminants émergents au Canada.
Un résumé plus complet au sujet de l’évolution de la réglementation concernant les PFAS se trouve ici.
Une perspective australienne : leçons apprises des changements apportés à la réglementation sur les PFAS
De l’Australie, nous observons l’évolution du paysage réglementaire canadien avec un sentiment de déjà vu. Le Plan national de gestion environnementale des PFAS (PFAS National Environmental Management Plan) de l’Australie, d’abord publié en 2018, était un document d’orientation collaboratif approuvé par les agences environnementales australiennes et néo-zélandaises. Il visait à réduire l’exposition des humains aux PFAS à l’aide d’évaluations de site fondées sur les risques, de mesures d’atténuation de la contamination et de modèles conceptuels de site adaptés. Après sa publication, certains organismes de réglementation ont rapidement appliqué les nouvelles limites de rejet ainsi que les échéanciers pour l’élimination progressive des mousses AFFF.
Défis liés à l’élimination précoce de la mousse AFFF
L’élimination progressive de la mousse AFFF s’est avérée particulièrement difficile pour les industries qui dépendent des caractéristiques supérieures d’extinction d’incendies des mousses contenant des PFAS. En 2018, les mousses sans fluor n’avaient pas encore prouvé leur efficacité totale contre les grands incendies, et on découvrait que ces nouvelles mousses se comportaient de différentes manières selon le système de distribution utilisé. Dans certains cas, les organisations étaient confrontées à une refonte très coûteuse et imprévue de leurs systèmes d’extinction d’incendies, et parfois selon des échéanciers serrés. Des prolongations des délais réglementaires étaient essentielles dans de nombreux cas, mais exigeaient un plan approuvé avec un horaire établi. Étant donné les valeurs directrices extrêmement faibles pour l’eau établies en raison de la solubilité des PFAS et pour assurer la protection écologique, éviter l’utilisation de mousses contenant des PFAS est devenue une priorité élevée afin d’atténuer la prolifération des coûts de réhabilitation en cas de contamination. De manière prévisible, les coûts d’élimination associés à la mousse AFFF interdite étaient élevés en raison des méthodes coûteuses de traitement pour leur destruction, comme l’incinération. Compte tenu de cette expérience, nous insistons sur le fait qu’il est tout à l’avantage de l’industrie canadienne de planifier et de se préparer à cette éventualité pour assurer son état de préparation et le maintien de ses activités.
Une stratégie proactive pour l’industrie canadienne
- Action immédiate. Dresser un inventaire des produits contenant possiblement des PFAS (ainsi que l’historique des produits). Évaluer s’ils sont réellement nécessaires, puis éliminer ceux qui ne le sont pas pour l’entreprise, ou les placer dans un endroit sécuritaire et fermé afin de les éliminer plus tard. Pour les produits contenant des PFAS essentiels à l’entreprise, ne pas retarder la planification et l’établissement du budget liés à leur retrait.
- Classement des risques. Qu’il s’agisse d’un seul site ou de plusieurs, il faut classer les risques des endroits où des PFAS sont rangés ou utilisés à proximité de récepteurs potentiels (cours d’eau, réserves d’eau souterraine pour l’eau potable, marais protégés, lieux de pêche, etc.). Si le milieu est connu, il est possible d’évaluer le risque que présentent les PFAS à un endroit donné et d’estimer une concentration tolérable qui protège cet environnement.
- Évaluation et inventaire. Évaluer l’état des lieux et la qualité de l’eau afin de comprendre la migration de la masse de PFAS, puis déterminer où les efforts d’atténuation seront les plus efficaces.
- Mobilisation des spécialistes. Demander l’avis de spécialistes en gestion des risques liés aux PFAS, notamment au sujet de l’évaluation et de la réhabilitation, puis prévoir les coûts pour prendre des mesures qui réduisent les risques liés aux répercussions des PFAS.
- Rédaction d’un plan. Rédiger un plan et y ajouter des délais réalistes pour traiter les risques en ordre de priorité. Une préparation démontrée évite d’avoir à se dépêcher pour effectuer toutes les étapes précédentes selon l’échéancier et les objectifs d’un organisme de réglementation. Le plan sert également de preuve des progrès réalisés et de la volonté à régler les problèmes.
De notre point de vue australien, l’avantage actuel pour le Canada est que les connaissances écotoxicologiques et les technologies efficaces en matière de réhabilitation sont plus avancées que lorsque nous avons voulu agir avant l’application de la réglementation. De nombreux programmes sont maintenant terminés ou en cours. L’industrie canadienne peut alors prendre des décisions éclairées et axées sur l’avenir quant à la gestion des PFAS.